Publi¨¦ le 8 novembre 2018 Mis ¨¤ jour le 12 novembre 2018

Un texte de la Minute Recherche par Eric Dacheux (Laboratoire de Communication et Soci¨¦t¨¦s). Une recherche collective et pluridisciplinaire s'est interrog¨¦e sur les rapports entre BD et monnaie. Plus pr¨¦cis¨¦ment, ¨¤ travers l¡¯¨¦tude d'albums connus (Les Schtroumpfs, Achille Talon, etc.).

Une recherche collective et pluridisciplinaire s'est interrog¨¦e sur les rapports entre BD et monnaie. Plus pr¨¦cis¨¦ment, ¨¤ travers l¡¯¨¦tude d'albums connus (Les Schtroumpfs, Achille Talon, etc.) des ¨¦conomistes et des chercheurs en communication ont mis en lumi¨¨re la mani¨¨re dont la monnaie et le neuvi¨¨me art participent ¨¤ la construction du lien social.

Le lien social est l¡¯ensemble des relations qui unissent les individus faisant partie d¡¯une m¨ºme soci¨¦t¨¦. Ces relations sont concr¨¨tes : les contacts quotidiens (directs et m¨¦diatis¨¦s) entre les individus, mais aussi symboliques, l¡¯ensemble des ¨¦l¨¦ments culturels conscients (religion, id¨¦ologie, etc.) et inconscients (rapport au temps, ¨¤ l¡¯espace, etc.) communs ¨¤ une soci¨¦t¨¦ donn¨¦e. Elles assurent la coh¨¦sion d¡¯une soci¨¦t¨¦ puisqu¡¯elles sont constitu¨¦es de quatre composantes : ¨¦conomique (les relations de travail et les ¨¦changes mon¨¦taires), politique (les ¨¦changes entre le citoyen et l¡¯?tat), civique (les ¨¦changes au sein de la soci¨¦t¨¦ civile) et interpersonnelle (rapports entre l¡¯individu et son entourage familial et amical).

Par cons¨¦quent, monnaie et BD contribuent ¨¤ la dimension concr¨¨te du lien social. Ce sont tous les deux des objets qui sont le fruit d¡¯une production collective, qui s¡¯¨¦changent de mains en mains, qui peuvent faire l¡¯objet de transactions entre collectionneurs, etc. Cependant BD et monnaie participent surtout ¨¤ la dimension symbolique du lien social.

La monnaie est donc un m¨¦dia r¨¦flexif : elle renvoie ¨¤ une communaut¨¦ l¡¯image de la confiance qu¡¯elle a en elle-m¨ºme. Cette perspective la rapproche grandement de la BD qui est, elle aussi, un m¨¦dia r¨¦flexif, dans le sens o¨´ elle est une repr¨¦sentation de notre monde de repr¨¦sentation. Plus pr¨¦cis¨¦ment, en tant que m¨¦dia, elle nous relie ¨¤ tous les autres lecteurs anonymes qui lisent le m¨ºme album et ¨¤ tous ceux qui partagent les m¨ºmes r¨¦f¨¦rences culturelles permettant de donner du sens au r¨¦cit. Elle participe donc au renforcement de la communaut¨¦ existante telle qu¡¯elle est. Mais, en invitant le lecteur ¨¤ se raconter son histoire, ¨¤ animer les personnages, ¨¤ ressentir les sons et les odeurs qu¡¯il pr¨ºte au r¨¦cit, la bande dessin¨¦e permet de ne pas rester prisonnier de la repr¨¦sentation, incite ¨¤ s¡¯¨¦manciper du r¨¦cit litt¨¦raire donc du r¨¦cit social et culturel qui soutient ce dernier. Elle incite ¨¤ l¡¯¨¦mancipation individuelle alors que la monnaie renforce la coh¨¦sion sociale.
Autre diff¨¦rence de taille entre ces deux m¨¦dias , la BD ? n¡¯existe tout simplement pas en dehors de son inscription graphique ? (Robert, 2011, p. 65), m¨ºme sur Internet, la BD renvoie ¨¤ une r¨¦alit¨¦ mat¨¦rielle. A l¡¯inverse, les processus contemporains de d¨¦mat¨¦rialisation de la monnaie rappellent que ?L¡¯abstraction se trouve au c?ur des plus ?anciennes? manifestations connues de la monnaie? (Servet, Th¨¦ret, Yildirim, 2008, p. 179). Telle est donc la diff¨¦rence essentielle entre ces deux m¨¦dias : la BD est une mat¨¦rialisation dessin¨¦e qui repr¨¦sente le lien social, la monnaie une abstraction qui condense le lien social.