Publi¨¦ le 22 octobre 2020 – Mis ¨¤ jour le 22 octobre 2020
Un texte de la Minute Recherche par Claudine Manach (UNH, unit¨¦ mixte de recherche INRAe / Universit¨¦ Clermont Auvergne).
L¡¯¨¦valuation des consommations alimentaires repose aujourd¡¯hui sur des m¨¦thodes de questionnaires, qui manquent de pr¨¦cision, notamment en raison de la difficult¨¦ des individus ¨¤ se souvenir avec exactitude de ce qu¡¯ils ont consomm¨¦ et en quelles quantit¨¦s. Cette impr¨¦cision repr¨¦sente un frein important ¨¤ la compr¨¦hension des relations entre alimentation et sant¨¦.
Nos aliments contiennent une grande diversit¨¦ de mol¨¦cules, d¡¯origine naturelle ou non, qui peuvent ¨ºtre sp¨¦cifiques de chacun d¡¯entre eux. Le nombre total de constituants alimentaires est ¨¦valu¨¦ ¨¤ plus de 30000, un chiffre bien sup¨¦rieur ¨¤ celui des cat¨¦gories de nutriments dont les teneurs sont indiqu¨¦es sur les produits que nous achetons. Gr?ce ¨¤ une nouvelle approche appel¨¦e m¨¦tabolomique, il est devenu possible de d¨¦tecter dans les ¨¦chantillons de sang et d¡¯urine des centaines de constituants alimentaires, ainsi que leurs d¨¦riv¨¦s, appel¨¦s m¨¦tabolites, issus de leur modification dans l¡¯organisme. Cet ensemble de m¨¦tabolites constitue le ? food m¨¦tabolome ?. La m¨¦tabolomique ouverte est une technique exploratoire bas¨¦e sur la spectrom¨¦trie de masse haute r¨¦solution qui vise ¨¤ d¨¦tecter simultan¨¦ment un maximum de mol¨¦cules pr¨¦sentes dans un ¨¦chantillon biologique, typiquement plusieurs centaines, et ce sans a priori sur les mol¨¦cules recherch¨¦es. Les signaux d¨¦tect¨¦s doivent ensuite ¨ºtre identifi¨¦s par comparaison ¨¤ des bases de donn¨¦es d¨¦di¨¦es ou ¨¤ des exp¨¦riences compl¨¦mentaires de chimie analytique.
Avec l¡¯exploration du ? food metabolome ? dans les fluides biologiques apr¨¨s consommation d¡¯un aliment particulier, le reste de l¡¯alimentation ¨¦tant standardis¨¦ par ailleurs (repas pris sur le centre d¡¯¨¦tude compl¨¦t¨¦s par des recommandations pr¨¦cises pour les repas ¨¤ domicile), on peut retrouver des mol¨¦cules d¨¦j¨¤ connues pour cet aliment, mais aussi de nouvelles, soit encore inconnues soit inattendues dans l¡¯¨¦chantillon. Dans le cas de la banane, un des 3 fruits les plus consomm¨¦s au monde, nous avons ainsi pu identifier 33 de ses m¨¦tabolites urinaires, certains d¨¦riv¨¦s des ar?mes du fruit, d¡¯autres de mol¨¦cules bioactives telles que la dopamine. Les informations recueillies peuvent aider ¨¤ comprendre les effets de la consommation d¡¯un aliment sur la sant¨¦, gr?ce aux connaissances sur la bioactivit¨¦ des m¨¦tabolites observ¨¦s. Elles permettent aussi de d¨¦terminer des combinaisons de m¨¦tabolites, ou signatures, qui peuvent refl¨¦ter de mani¨¨re sp¨¦cifique la consommation de l¡¯aliment en question.
Dans notre ¨¦tude sur la banane, nous avons ainsi v¨¦rifi¨¦ sur trois groupes d¡¯individus issus d¡¯une population allemande et caract¨¦ris¨¦s par une forte, faible ou non consommation habituelle de banane, lesquels des 33 m¨¦tabolites pouvaient refl¨¦ter sp¨¦cifiquement cette consommation. Une combinaison de deux m¨¦tabolites, la dopamine-sulfate et le glucuronide de m¨¦thoxyeugenol, s¡¯est r¨¦v¨¦l¨¦e tr¨¨s efficace pour ¨¦valuer la consommation de banane.
Cette m¨ºme d¨¦marche est appliqu¨¦e au niveau international ¨¤ un grand nombre d¡¯aliments, avec l¡¯objectif de fournir en quelques ann¨¦es une large gamme de biomarqueurs de consommation. Ceci repr¨¦sentera un progr¨¨s consid¨¦rable pour la recherche en nutrition, notamment pour l¡¯¨¦pid¨¦miologie, avec l¡¯espoir que la pr¨¦cision gagn¨¦e dans l¡¯¨¦valuation des consommations individuelles permettra de r¨¦v¨¦ler de nouvelles associations alimentation-sant¨¦.