Publi¨¦ le 20 janvier 2022 Mis ¨¤ jour le 20 janvier 2022

Un texte de la Minute Recherche par Philippe Bourdin (CHEC, unit¨¦ propre de recherche UCA).

L¡¯histoire du th¨¦?tre ne peut se limiter ¨¤ un univers acad¨¦mique construit par les pouvoirs et la critique. Les foires, les tourn¨¦es ont permis durant des si¨¨cles la coexistence d¡¯un art officiel et des curiosit¨¦s : spectacles de cires, marionnettes, ombres chinoises, ventriloques, ¨¦quilibristes, dompteurs, etc. Les interdits ont parfois favoris¨¦ leur rencontre ¨C ainsi entre le th¨¦?tre italien et les spectacles de foire au d¨¦but du XVIIIe si¨¨cle. La recherche de la sid¨¦ration, la b?tardise des genres l¡¯ont acc¨¦l¨¦r¨¦e au XVIIIe si¨¨cle : en 1793, Restif de la Bretonne ins¨¨re des ombres chinoises dans Le Drame de la ma vie ; Barr¨¦, Radet et Desfontaines animent la m¨ºme ann¨¦e une femme de cire dans Colombine mannequin.

Interdites du terme de ? th¨¦?tre ? par un d¨¦cret imp¨¦rial du 8 juin 1806, ces performances ont aussi permis des promotions sociales, preuve d¡¯une porosit¨¦ certaines entre les arts de la sc¨¨ne et des tr¨¦teaux : Marie Sall¨¦, qui d¨¦bute en 1727 ¨¤ l¡¯Op¨¦ra de Paris, a commenc¨¦ ¨¤ l¡¯?ge de 9 ans ¨¤ la foire Saint-Laurent, o¨´ exerce sa famille dans la danse sur corde ; avant de fonder en 1769, sur le boulevard du Temple, le Th¨¦?tre de l¡¯Ambigu-Comique, Audinot a successivement foul¨¦ les planches des foires Saint-Laurent et Saint-Germain, et entre les deux celles de la Com¨¦die-Italienne.

Malgr¨¦ sa volont¨¦ de contr?ler les sc¨¨nes et leur esth¨¦tique, le Premier Empire ne peut brader tous ces h¨¦ritages. Il doit en permanence g¨¦rer les conflits entre ses directeurs d¡¯arrondissement th¨¦?traux et les baladins d¡¯un soir, les premiers protestant contre le public capt¨¦ par les seconds pour des tarifs bien plus accessibles au petit peuple urbain. Mais il sait aussi pouvoir compter sur les saltimbanques pour diffuser ¨¤ destination d¡¯un public tr¨¨s populaire des formes th¨¦?trales vulgaris¨¦es, propices ¨¤ une propagande politique et religieuse. ? Marseille, en 1806, la dame B¨¦rard fait jouer ¨¤ des marionnettes hautes d¡¯un m¨¨tre, dans la tradition napolitaine, des succ¨¨s des boulevards parisiens (arlequinades, drames de Beaumarchais, etc.) et la passion du Christ. Des concurrents animent des cr¨¨ches vivantes, racontent via des statues de cire des sc¨¨nes sanguinolentes, des faits divers, ou mettent en sc¨¨ne le sacre et les victoires politiques et militaires de Napol¨¦on Ier.

Les spectacles de curiosit¨¦s ont une double descendance, qui arrive ¨¤ l¡¯?ge adulte ¨¤ la fin du XIXe si¨¨cle : d¡¯une part les divertissements des caf¨¦s-concerts, d¡¯autre part les num¨¦ros de cirque, dont ne sont absentes ni les pol¨¦miques du moment ni une vision orient¨¦e du monde et de l¡¯humanit¨¦.
 

Pour en savoir plus :

  • Anastassia Sakhnovskaia-Pankeeva, La naissance des th¨¦?tres de la Foire : influence des Italiens et constitution d¡¯un r¨¦pertoire, th¨¨se de doctorat, Universit¨¦ de Nantes, 2013.
  • Michel Faul, Les tribulations de Nicolas-M¨¦dard Audinot, fondateur du th¨¦?tre de l¡¯Ambigu-Comique, Lyon, Sym¨¦trie, 2013.
  • Philippe Bourdin et G¨¦rard Loubinoux (dir.), La sc¨¨ne b?tarde entre Lumi¨¨res et romantisme, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise-Pascal, 2004.
  • Philippe Bourdin et Fran?oise Le Borgne (dir.), Costumes, d¨¦cors et accessoires dans le th¨¦?tre de la R¨¦volution et de l¡¯Empire, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise-Pascal, 2010.
  • https://therepsicore.msh.uca.fr/