Publi¨¦ le 7 f¨¦vrier 2022 Mis ¨¤ jour le 7 f¨¦vrier 2022

Un texte de la Minute Recherche par Vincent Mirouse (iGReD, unit¨¦ mixte de recherche Inserm / CNRS / Universit¨¦ Clermont Auvergne).

Le monde du vivant arbore une infinie diversit¨¦ de formes ¨¤ l¡¯¨¦chelle des organismes entiers et cette diversit¨¦ participe ¨¤ notre ¨¦merveillement pour la nature. N¨¦anmoins, l¡¯existence de cette diversit¨¦ ne repose pas sur des crit¨¨res esth¨¦tiques mais bien sur des contraintes fonctionnelles. Il en va ainsi du cou de la girafe, pour atteindre les feuilles les plus hautes. La m¨ºme diversit¨¦ de formes, reposant sur les m¨ºmes contraintes fonctionnelles, existe aussi ¨¤ l¡¯¨¦chelle de nos organes. Par exemple, l¡¯arborescence de nos poumons maximise la surface d¡¯¨¦change entre l¡¯air et le sang pour faciliter les ¨¦changes gazeux. Il est donc important de comprendre comment nos g¨¨nes sculptent ces organes en une forme sp¨¦cifique (morphogen¨¨se).

Les scientifiques ¨¦tudient l¡¯¨¦longation des follicules ovariens de drosophile pour ¨¦lucider les m¨¦canismes de la morphogen¨¨se in vivo gr?ce aux outils g¨¦n¨¦tiques et aux possibilit¨¦s d¡¯imagerie cellulaire offerte par ce mod¨¨le animal commun¨¦ment utilis¨¦ dans les laboratoires. Ce follicule ovarien, pr¨¦curseur du futur ?uf, passe progressivement d¡¯une forme sph¨¦rique ¨¤ une forme allong¨¦e et il ¨¦tait connu que cette ¨¦longation d¨¦pendait des interactions entre les cellules et la matrice extracellulaire qui entoure chaque follicule. De mani¨¨re inattendue les auteurs ont identifi¨¦ un r?le du g¨¨ne codant pour la dystrophine dans ce contexte.

Chez l¡¯Homme, le g¨¨ne de la dystrophine est mut¨¦ dans les myopathies (dystrophy en anglais) de Duchenne et de Beker, maladies d¨¦g¨¦n¨¦ratives ¨¤ la fois fr¨¦quentes et extr¨ºmement graves. La dystrophine appartient ¨¤ un complexe transmembranaire reliant l¡¯actine, qui constitue le cytosquelette des cellules, ¨¤ la matrice extracellulaire. Il est couramment propos¨¦ que la principale fonction de la dystrophine est d¡¯assurer une coh¨¦sion m¨¦canique entre le cytosquelette et la matrice.

Les chercheurs ont montr¨¦ chez la drosophile que la dystrophine poss¨¦dait des fonctions plus complexes lors de l¡¯¨¦longation du follicule ovarien. D'une part, elle est n¨¦cessaire ¨¤ l¡¯organisation correcte de la matrice extracellulaire et plus particuli¨¨rement ¨¤ la formation de fibrilles orient¨¦es perpendiculairement ¨¤ l¡¯axe d¡¯¨¦longation. D¡¯autre part, plus tard au cours du d¨¦veloppement du follicule, la dystrophine est aussi requise pour orienter des fibres d¡¯actine de mani¨¨re identique dans toutes les cellules. Ces fibres d¡¯actine forment un corset mol¨¦culaire qui contraint la croissance du follicule dans un axe et provoque donc son ¨¦longation dans l¡¯autre axe. De plus, les auteurs ont montr¨¦ que les fibrilles de matrice orient¨¦es servaient de guide pour l¡¯orientation des fibres d¡¯actine.

Ces r¨¦sultats obtenus en collaboration avec l¡¯Universit¨¦ de Chicago montrent donc que la dystrophine n¡¯agit comme une simple "colle" entre le cytosquelette d¡¯actine et la matrice extracellulaire mais comme un organisateur de l¡¯interface cellule/matrice. La mise en ¨¦vidence de ces fonctions organisatrices dans le contexte de l¡¯¨¦longation du follicule ovarien pourrait permettre de mieux comprendre son r?le dans les cellules musculaires et son implication dans les myopathies.