Publi¨¦ le 19 juin 2023 Mis ¨¤ jour le 20 juin 2023

La maladie de Crohn (MC) est une maladie inflammatoire chronique de l¡¯intestin (MICI) qui alt¨¨re consid¨¦rablement la qualit¨¦ de vie des patients. Elle peut entrainer des l¨¦sions intestinales progressives qui peuvent n¨¦cessiter une r¨¦section intestinale. La physiopathologie de la MC est encore mal connue mais le r?le des Escherichia coli adh¨¦rents et invasifs (AIEC) a ¨¦t¨¦ mis en ¨¦vidence bien que leur contribution dans la gen¨¨se et l¡¯¨¦volution de la maladie ne soit pas ¨¦lucid¨¦. Les r¨¦sultats de l¡¯¨¦tude clinique (en lien avec le groupe national REMIND) ont montr¨¦ que la pr¨¦sence d¡¯AIEC au moment de la r¨¦section chirurgicale ou dans les 6 mois apr¨¨s la chirurgie semblent ¨ºtre un facteur de risque de r¨¦cidive post-op¨¦ratoire. L¡¯¨¦radication de ces bact¨¦ries repr¨¦sentent donc un enjeu majeur dans la prise en charge de la MC.

La maladie de Crohn (MC) est une maladie inflammatoire chronique de l¡¯intestin (MICI) dont la physiopathologie r¨¦sulterait d¡¯une interaction anormale entre le microbiote intestinal et le syst¨¨me immunitaire de l¡¯h?te sous l¡¯influence de facteurs g¨¦n¨¦tiques et environnementaux. Les sympt?mes de la maladie sont une diarrh¨¦e chronique, des douleurs abdominales, ainsi que des signes g¨¦n¨¦raux (amaigrissement, fatigue). La maladie ¨¦volue par pouss¨¦e et provoque des complications telles que les fistules ou les st¨¦noses qui n¨¦cessitent une r¨¦section chirurgicale. Les traitements actuels ne sont pas curatifs mais visent ¨¤ soulager les sympt?mes, cicatriser la muqueuse et pr¨¦venir la destruction intestinale. Les anti-TNF-¦Á repr¨¦sentent la classe th¨¦rapeutique consid¨¦r¨¦e comme la plus efficace mais les m¨¦canismes d¡¯action restent imparfaitement connus et jusqu¡¯¨¤ 30% des patients sont non r¨¦pondeurs. De part ses cons¨¦quences invalidantes, sa nature chronique et r¨¦cidivante, la MC repr¨¦sente un enjeu majeur de sant¨¦ publique.

Parmi les anomalies du microbiote intestinal retrouv¨¦es chez les patients atteints de MC, le r?le des Escherichia coli adh¨¦rents et invasifs (AIEC) isol¨¦s de patients et caract¨¦ris¨¦s il y a plus de 20 ans par l¡¯Unit¨¦ M2iSH (Pr Darfeuille-Michaud) a ¨¦t¨¦ sugg¨¦r¨¦. Ces bact¨¦ries se caract¨¦risent par (i) leur capacit¨¦ ¨¤ adh¨¦rer et envahir les cellules ¨¦pith¨¦liales intestinales, (ii) leur capacit¨¦ ¨¤ survivre et se r¨¦pliquer au sein des macrophages sans induire leur mort, (iii) leur capacit¨¦ ¨¤ induire la s¨¦cr¨¦tion de taux ¨¦lev¨¦s de TNF-¦Á par les macrophages infect¨¦s. Cependant, la mani¨¨re dont ces bact¨¦ries contribuent ¨¤ la gen¨¨se de la MC n¡¯est pas totalement comprise. 

La chirurgie n¡¯¨¦tant pas curative dans le cas de la MC, la r¨¦cidive post-op¨¦ratoire (RPO) est donc une pr¨¦occupation majeure. Celle-ci se produit principalement dans l¡¯il¨¦on et est caract¨¦ris¨¦e par une ¨¦volution au cours du temps tel que : apparition de petits ulc¨¨res aphteux, suivis de l¨¦sions plus avanc¨¦es comportant des ulc¨¦rations de plus en plus importantes. La p¨¦riode post-op¨¦ratoire pr¨¦coce repr¨¦sente donc un mod¨¨le pertinent pour ¨¦tudier les premiers stades de la gen¨¨se de la MC il¨¦ale.

Dans cette ¨¦tude nous avons utilis¨¦ le mod¨¨le de RPO dans la MC pour mieux comprendre le r?le des bact¨¦ries AIEC dans les premiers stades de la MC gr?ce ¨¤ une cohorte prospective multicentrique de patients atteints de la MC ayant subi une r¨¦section il¨¦ocolique. L¡¯identification des bact¨¦ries AIEC a ¨¦t¨¦ r¨¦alis¨¦e ¨¤ partir d¡¯un pr¨¦l¨¨vement de pi¨¨ce op¨¦ratoire (M0) (N=181 patients) et dans l'il¨¦on n¨¦oterminal (n=119 patients/181) au cours d'une coloscopie r¨¦alis¨¦e 6 mois apr¨¨s l'op¨¦ration (M6). La r¨¦cidive endoscopique postop¨¦ratoire a ¨¦t¨¦ ¨¦valu¨¦e ¨¤ l'aide de l'indice de Rutgeerts. Les microorganismes associ¨¦s ¨¤ la muqueuse ont ¨¦t¨¦ analys¨¦s par s¨¦quen?age 16S ¨¤ M0 et M6.

La pr¨¦valence des AIEC est deux fois plus ¨¦lev¨¦e dans l¡¯il¨¦on n¨¦oterminal ¨¤ M6 (30,3%) que dans la pi¨¨ce op¨¦ratoire ¨¤ M0 (14,9%) (p<0,001). La pr¨¦sence d¡¯AIEC dans l¡¯il¨¦on n¨¦oterminal ¨¤ M6 est associ¨¦ ¨¤ un taux plus ¨¦lev¨¦ de l¨¦sions il¨¦ales pr¨¦coces (i1) (41,6% contre 17,1%) (p=0,048) ou de l¨¦sions il¨¦ales (i2b + i3) (38,2% contre 17,1%) (p=0,040) par rapport ¨¤ l¡¯absence de l¨¦sion (i0). La pr¨¦sence d¡¯AIEC dans la pi¨¨ce op¨¦ratoire ¨¦tait pr¨¦dictive d¡¯un taux de r¨¦cidive plus ¨¦lev¨¦ de RPO class¨¦ i2b ¨¤ l¡¯endoscopie (p=0,049) et s¨¦v¨¨re (p=0.017). Alors que seulement 5% (6/119) des patients pr¨¦sentaient des AIEC ¨¤ la fois ¨¤ M0 et ¨¤ M6, 43.7% (52/119) des patients ayant des ant¨¦c¨¦dents de pr¨¦sence d¡¯AIEC ¨¤ M0 ou M6 pr¨¦sentaient un risque plus ¨¦lev¨¦ de RPO endoscopique il¨¦ale (p=0,048) et de RPO endoscopique s¨¦v¨¨re (p=0,013). La colonisation par les AIEC a ¨¦t¨¦ associ¨¦e ¨¤ une signature sp¨¦cifique du microbiote retrouvant une abondance accrue de Ruminococcus gnavus, ¨¦galement associ¨¦ ¨¤ un risque plus ¨¦lev¨¦ de RPO par sa capacit¨¦ ¨¤ d¨¦grader la couche de mucus pr¨¦sente sur les cellules ¨¦pith¨¦liales intestinales.

Les donn¨¦es de cette ¨¦tude semblent donc indiquer que la pr¨¦sence des bact¨¦ries AIEC au moment de la r¨¦section chirurgicale ou dans l¡¯il¨¦on n¨¦oterminal 6 mois apr¨¨s la chirurgie serait un facteur de risque de RPO endoscopique et donc que les AIEC seraient impliqu¨¦es dans les premi¨¨res ¨¦tapes de la MC il¨¦ale.

 

R¨¦f¨¦rence de la publication :
Anthony Buisson 1 2 , Harry Sokol 3 4 5 , Nassim Hammoudi 6 7 , St¨¦phane Nancey 8 , Xavier Treton 9 , Maria Nachury 10 , Mathurin Fumery 11 , Xavier H¨¦buterne 12 , Michael Rodrigues 13 , Jean-Pierre Hugot 14 , Gilles Boschetti 8 , Carmen Stefanescu 9 , Pauline Wils 10 , Philippe Seksik 3 4 , Lionel Le Bourhis 7 , Madeleine Bezault 15 , Pierre Sauvanet 13 16 , Bruno Pereira 17 , Matthieu Allez 6 7 , Nicolas Barnich 13 ; Remind study group

Plus d'informations : http://dx.doi.org/10.1136/gutjnl-2021-325971

Coordonn¨¦es :
Pr Anthony BUISSON, Service des maladies de l'appareil digestif, CHU Estaing, Clermont-Ferrand, France. Inserm U1071, M2iSH, Universit¨¦ Clermont Auvergne, USC-INRA 2018, Clermont-Ferrand, France
e-mail : a_buisson@chu-clermontferrand.fr
Tel : 04 73 75 05 23

Pr Nicolas BARNICH, Directeur de l'Unit¨¦ M2iSH, U1071 UCA/Inserm, USC INRAE 1382, Universit¨¦ Clermont Auvergne, Clermont-Ferrand, France
e-mail : nicolas.barnich@uca.fr
Tel : 04 73 17 70 84

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