Publi¨¦ le 19 juin 2023 Mis ¨¤ jour le 19 juin 2023

L¡¯utilisation ¨¤ grande ¨¦chelle de l¡¯antibiotique Colistine a conduit ¨¤ l'identification du premier g¨¨ne de r¨¦sistance plasmidique chez des Escherichia coli en 2015. Ce g¨¨ne mcr-1 modifie le lipopolysaccharide de la paroi bact¨¦rienne, qui est ¨¤ la fois la cible de la colistine et l¡¯organe senseur des bact¨¦ries pour interagir avec l¡¯environnement. Dans ce travail, nous avons explorer l¡¯impact de l¡¯acquisition de ces g¨¨nes mcr sur le comportement de E. coli dans l¡¯environnement intestinal et sa virulence. Il ¨¦merge des r¨¦sultats un nouveau paradigme o¨´ l¡¯acquisition d¡¯un g¨¨ne favorise l¡¯implantation et la persistance dans le microbiote intestinal via (i) l¡¯adh¨¦sion au mucus et aux cellules ¨¦pith¨¦liales intestinales, (ii) la r¨¦sistance aux d¨¦fensines de l¡¯intestin, et (iii) une activit¨¦ ? peacekeeper ? vis-¨¤-vis du syst¨¨me immunitaire.

L'antibiotique colistine a ¨¦t¨¦ r¨¦introduit ces derni¨¨res ann¨¦es en tant qu'antibiotique de "dernier recours". Son utilisation ¨¤ grande ¨¦chelle a conduit ¨¤ l'identification du premier g¨¨ne de r¨¦sistance plasmidique ; mcr-1 chez des Escherichia coli multir¨¦sistants en Chine en 2015. Depuis, 10 g¨¨nes mcr et des variantes ponctuelles ont ¨¦t¨¦ identifi¨¦s dans le monde entier, y compris en France au Centre National de R¨¦f¨¦rence de la r¨¦sistance aux antibiotiques que nous coordonnons.

Pr¨¦sent sur un large ¨¦ventail de plasmides, les g¨¨nes mcr ont ¨¦t¨¦ observ¨¦s dans des bact¨¦ries sensibles aux antibiotiques et dans des plasmides ne contenant aucun autre g¨¨ne de r¨¦sistance connu, alors que les g¨¨nes de r¨¦sistance aux antibiotiques sont g¨¦n¨¦ralement regroup¨¦s dans des plasmides d¨¦di¨¦s. Ainsi, des E. coli portant un g¨¨ne mcr ont ¨¦t¨¦ observ¨¦s dans le tube digestif d'humains, d'animaux domestiques, d'animaux destin¨¦s ¨¤ l'alimentation et d'oiseaux migrateurs. Ces g¨¨nes modifient le lipopolysaccharide de la paroi bact¨¦rienne, qui est la cible de la colistine mais aussi l¡¯organe senseur des bact¨¦ries pour interagir avec l¡¯environnement. Il pourrait donc avoir des r?les autres que la r¨¦sistance aux antibiotiques.

Dans cette ¨¦tude, nous avons ¨¦tudi¨¦ la capacit¨¦ des E. coli porteurs de mcr-1 ¨¤ coloniser l'intestin en absence d¡¯antibiotique. Dans des mod¨¨les murins gnotobiotiques et conventionnelles, mcr-1 augmentait l'ancrage et la persistance intestinal de E. coli et abrog¨¦ sa virulence. Cette colonisation intestinale ¨¦tait associ¨¦e ¨¤ une diminution des marqueurs de l¡¯inflammation intestinale et ¨¤ la pr¨¦servation de la composition du microbiote intestinal en abondance et en diversit¨¦. Ces observations s¡¯expliquaient par des effets multiples ; (i) une r¨¦sistance crois¨¦e aux antimicrobiens s¨¦cr¨¦t¨¦s par le microbiote et aux d¨¦fensines produites par les cellules ¨¦pith¨¦liales intestinales (CEI), (ii) l¡¯adh¨¦sion au mucus intestinal et aux cellules intestinales ¨¦pith¨¦liales et (iii) une diminution de l¡¯activit¨¦ pro-inflammatoire de E. coli et de son lipopolysaccharide. Ces propri¨¦t¨¦s ¨¦taient ¨¦galement retrouv¨¦es avec 4 autres g¨¨nes mcr repr¨¦sentatifs et ¨¦taient d¨¦pendantes de l¡¯int¨¦grit¨¦ du site actif des prot¨¦ines Mcr.

A l¡¯aide d¡¯une m¨¦thode de mod¨¦lisation tridimensionnelle, des homologues distants des g¨¨nes mcr ont ¨¦t¨¦ recherch¨¦s dans les donn¨¦es m¨¦tag¨¦nomiques du microbiote intestinal humain. Ces homologues se sont av¨¦r¨¦s conserv¨¦s et abondants mais cette abondance ¨¦tait amoindrie chez les patients atteints de maladies inflammatoires chroniques intestinales, sugg¨¦rant un r?le fonctionnel des g¨¨nes de type mcr pour l¡¯h?te au sein du microbiote intestinal.

Ainsi, nous avons constat¨¦ que les g¨¨nes mcr affectent de multiples facettes des interactions h?te-bact¨¦rie pour favoriser l¡¯infiltration discret de E. coli dans le microbiote intestinal au d¨¦triment de sa virulence. Ils favorisent un mode de vie comparable ¨¤ celui des commensaux majeurs de l¡¯intestin, laissant pr¨¦sager une persistance durable des g¨¨nes mcr m¨ºme en absence d¡¯antibiotique. Ces travaux remettent ainsi en cause le d¨¦veloppement d¡¯antibiotiques bas¨¦s sur le mode d¡¯action des d¨¦fensines et de la colistine, mais ouvrent ¨¦galement une voie pour le traitement des maladies inflammatoires chroniques de l¡¯intestin gr?ce ¨¤ l¡¯activit¨¦ antiinflammatoire de ces g¨¨nes.

 

R¨¦f¨¦rence de la publication : Dalmasso G, Beyrouthy R, Brugiroux S, Rupp¨¦ E, Guillouard L, Bonnin V, Saint-Sardos P, Ghozlane A, Gaumet V, Barnich N, Delmas J, Bonnet R. Genes mcr improve the intestinal fitness of pathogenic E. coli and balance their lifestyle to commensalism. Microbiome. 2023; an 20;11(1):12. doi: 10.1186/s40168-022-01457-y.

Pour plus d'informations : https://microbiomejournal.biomedcentral.com/articles/10.1186/s40168-022-01457-y
https://www.youtube.com/watch?v=7aZHnQeso04
 

Coordonn¨¦es: Guillaume Dalmasso & Richard Bonnet, M2ISH, Inserm U1071, uscINRAE 2018, Universit¨¦ Clermont Auvergne, CRBC, 28 Place Henri Dunant 63000 Clermont-Ferrand.
e-mail : guillaume.dalmasso@uca.fr; rbonnet@chu-clermontferrand.fr
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