Publi¨¦ le 31 mars 2023 Mis ¨¤ jour le 18 avril 2023

Le cancer de la surr¨¦nale est une tumeur agressive, retrouv¨¦e plus fr¨¦quemment chez les femmes que les hommes. Gr?ce ¨¤ des mod¨¨les de souris reproduisant une mutation identifi¨¦e chez les patients, nous avons montr¨¦ que ce sont les macrophages, plus actifs dans la surr¨¦nale m?le, qui expliquent ce dimorphisme sexuel, par leur capacit¨¦ ¨¤ tuer les cellules tumorales. Cette activit¨¦ anti-tumorale d¨¦pend des androg¨¨nes et peut ¨ºtre stimul¨¦e chez les femelles gr?ce ¨¤ la testost¨¦rone. Ces travaux publi¨¦s par Science Advances ouvrent de nouvelles perspectives th¨¦rapeutiques pour ce cancer de mauvais pronostic.

Le cancer de la surr¨¦nale ou corticosurr¨¦nalome est un cancer agressif, de mauvais pronostic avec une survie ¨¤ 5 ans inf¨¦rieure ¨¤ 30%. Son traitement repose essentiellement sur l¡¯¨¦limination chirurgicale de la tumeur. Toutefois, celle-ci n¡¯est efficace qu¡¯en absence de m¨¦tastases, alors que plus d¡¯un tiers des patients sont diagnostiqu¨¦s avec des tumeurs ayant d¨¦j¨¤ diss¨¦min¨¦. Malheureusement pour ces patients, les options th¨¦rapeutiques sont limit¨¦es et ne conduisent pas ¨¤ une am¨¦lioration significative de la survie.
Alors qu¡¯une majorit¨¦ de cancers est plus fr¨¦quentes chez les hommes, les corticosurr¨¦nalomes sont retrouv¨¦s plus fr¨¦quemment chez les femmes. Toutefois, les causes de ce dimorphisme sexuel surprenant n¡¯¨¦taient pas connues.

Au laboratoire, nous d¨¦veloppons des mod¨¨les de souris g¨¦n¨¦tiquement modifi¨¦es qui reproduisent des alt¨¦rations identifi¨¦es dans les tumeurs des patients. R¨¦cemment, notre attention s¡¯est port¨¦e sur un mod¨¨le d¡¯inactivation du g¨¨ne ZNRF3 qui est l¡¯alt¨¦ration la plus fr¨¦quente dans le corticosurr¨¦nalome. Nous avons pu montrer que cette inactivation conduit chez la souris, au d¨¦veloppement de cancers de la surr¨¦nale qui peuvent former des m¨¦tastases dans les poumons. Comme chez les patients, ces tumeurs agressives sont beaucoup plus fr¨¦quentes chez les souris femelles que chez les m?les.

Nous avons donc utilis¨¦ ce mod¨¨le afin de comprendre les bases du dimorphisme sexuel de ces tumeurs. Nous avons pu montrer que les macrophages, des cellules du syst¨¨me immunitaire sp¨¦cialis¨¦es dans l¡¯¨¦limination d¡¯agents pathog¨¨nes (bact¨¦ries, virus) et de cellules anormales, ¨¦taient fortement mobilis¨¦s dans les tumeurs des souris m?les, dans lesquelles ils pr¨¦sentaient une forte capacit¨¦ ¨¤ ¨¦liminer les cellules tumorales par un processus appel¨¦ phagocytose. A l¡¯inverse, dans les tumeurs des souris femelles, les macrophages sont moins pr¨¦sents et ont une capacit¨¦ plus faible ¨¤ ¨¦liminer les cellules tumorales. Ceci permet une progression des tumeurs vers la formation de m¨¦tastases chez les femelles alors que les m?les ne pr¨¦sentent que peu d¡¯¨¦volution agressive. L¡¯analyse mol¨¦culaire de ce ph¨¦nom¨¨ne nous a permis d¡¯identifier des mol¨¦cules (SASP) capables d¡¯attirer les macrophages, produites par les cellules tumorales sp¨¦cifiquement chez les souris m?les. De mani¨¨re int¨¦ressante, ces mol¨¦cules peuvent ¨ºtre produites chez les femelles en r¨¦ponse ¨¤ un traitement par de la testost¨¦rone, l¡¯hormone m?le. Ce simple traitement suffit ¨¤ recruter les macrophages et ¨¤ stimuler leur capacit¨¦ ¨¤ ¨¦liminer les cellules tumorales, permettant alors une r¨¦gression de la tumeur. Sur la base de ces r¨¦sultats chez la souris, nous avons conduit une ¨¦tude de donn¨¦es humaines qui nous a permis de montrer que le recrutement sexuellement dimorphique de macrophages ¨¦tait ¨¦galement observ¨¦ chez les patients porteurs de corticosurr¨¦nalomes.

Dans l¡¯ensemble, ces r¨¦sultats publi¨¦s par Science Advances montrent que les macrophages jouent un r?le cl¨¦ pour limiter la progression du corticosurr¨¦nalome chez les patients de sexe masculin. Ils fournissent ¨¦galement des pistes de traitement reposant sur la stimulation du recrutement et de l¡¯activation des macrophages, afin de lutter contre ce cancer au pronostic sombre.

L¡¯inactivation de Znrf3 (Znrf3 KO) dans le surr¨¦nale de souris g¨¦n¨¦tiquement modifi¨¦es est associ¨¦e ¨¤ une progression tumorale sexuellement dimorphique. En effet, alors que les souris Znrf3 KO femelles d¨¦veloppent des cancers m¨¦tastatiques ¨¤ 18 mois, l¡¯hyperplasie initiale r¨¦gresse chez les KO m?les. Ce ph¨¦notype sp¨¦cifique des m?les est associ¨¦ au d¨¦clenchement androg¨¦no-d¨¦pendant de la s¨¦nescence, qui induit par la s¨¦cr¨¦tion de mol¨¦cules du SASP, le recrutement de macrophages. Ces macrophages ¨¤ forte capacit¨¦ de phagocytose sont capables d¡¯¨¦liminer les cellules tumorales s¨¦nescentes, emp¨ºchant la progression tumorale. Chez les femelles, le recrutement de macrophages est r¨¦duit et retard¨¦, permettant la progression agressive des tumeurs. L¡¯analyse de donn¨¦es de patients de la cohorte am¨¦ricaine de cancer de la surr¨¦nale du TCGA montre que les macrophages ¨¤ forte activit¨¦ phagocytaire sont plus fr¨¦quents chez les hommes que chez les femmes. Dans l¡¯ensemble, ces r¨¦sultats ¨¦tablissent les macrophages comme des acteurs centraux du dimorphisme sexuel du cancer de la surr¨¦nale et font de ces cellules immunitaires des alli¨¦s potentiels pour lutter contre ce cancer de pronostic sombre.


R¨¦f¨¦rence de la publication : Wilmouth J Jr, Olabe J, Garcia-Garcia D, Lucas C, Guiton R, Roucher-Boulez F, Dufour D, Damon-Soubeyrand C, Sahut-Barnola I, Pointud JC, Renaud Y, Levasseur A, Tauveron I, Lefran?ois-Martinez AM, Martinez A, Val P. Sexually dimorphic activation of innate antitumour immunity prevents adrenocortical carcinoma development. Science Advances.8(41).

https://www.science.org/doi/10.1126/sciadv.add0422
Contact :
Dr Pierre VAL, institut GReD, CNRS UMR 6293, Inserm U1103, Universit¨¦ Clermont Auvergne, CRBC, 28 Place Henri Dunant 63000 Clermont-Ferrand. :