Publi¨¦ le 13 juin 2023 – Mis ¨¤ jour le 30 juin 2023
Le 25 novembre 1943, plus de 1 200 ¨¦tudiants et personnels de l'universit¨¦ de Strasbourg, accueillis depuis quatre ans ¨¤ Clermont-Ferrand, sont arr¨ºt¨¦s par les policiers et soldats allemands.
130 d'entre eux seront d¨¦port¨¦s. Il s'agit de la plus grande rafle qui ait eu lieu dans une universit¨¦ pendant la Seconde Guerre mondiale. Pourquoi l'existence de l'universit¨¦ de Strasbourg repli¨¦e ¨¤ Clermont-Ferrand ¨¦tait-elle devenue insupportable pour les occupants nazis ? En quoi est-elle r¨¦v¨¦latrice de l'escalade de la violence r¨¦pressive qui n'a pas ¨¦pargn¨¦ l'Auvergne ? Quel sens donner aux comm¨¦morations qui, chaque ann¨¦e, ¨¤ Clermont-Ferrand comme ¨¤ Strasbourg, c¨¦l¨¨brent le destin tragique de cette universit¨¦ r¨¦sistante ?
Le 25 novembre 1943, aux premi¨¨res heures de la matin¨¦e, les policiers allemands, assist¨¦s par plusieurs centaines de soldats de la Luftwaffe, quadrillent le quartier de la ville de Clermont-Ferrand qui, depuis plus de quatre ans, accueille les ¨¦tudiants et les personnels de l¡¯universit¨¦ de Strasbourg qui ont fui le nazisme. Peu avant 11 heures, arm¨¦s de fusils et de mitraillettes, ils entrent dans les locaux de l¡¯universit¨¦, avenue Carnot. Leur objectif est clair : mater la r¨¦sistance qui s¡¯est d¨¦velopp¨¦e dans cette communaut¨¦ universitaire de plus de 2000 personnes en op¨¦rant ce qui deviendra la rafle la plus importante qu¡¯ait d? subir une universit¨¦ pendant la Seconde Guerre mondiale. Une r¨¦pression exemplaire ¨¤ l¡¯encontre d¡¯un des symboles de la r¨¦sistance intellectuelle ¨¤ la barbarie nazie.
La rafle du 25 novembre 1943 est un moment important dans l¡¯histoire de la r¨¦pression des activit¨¦s r¨¦sistantes ¨¤ Clermont-Ferrand et, plus largement, sur le territoire fran?ais. Elle montre comment la police allemande, l¡¯arm¨¦e d¡¯occupation mais aussi les forces collaborationnistes fran?aises ont coop¨¦r¨¦ pour d¨¦truire les foyers de r¨¦sistance qui remettaient en cause l¡¯ordre nouveau appel¨¦ ¨¤ se d¨¦ployer dans l¡¯Europe allemande. Elle t¨¦moigne surtout de la radicalisation de cette r¨¦pression dans les derniers mois de l¡¯Occupation ¨C une radicalisation qui s¡¯inscrit dans le contexte d¡¯une v¨¦ritable guerre civile.
La rafle du 25 novembre est un ¨¦v¨¦nement ¨¤ la fois exceptionnel et exemplaire. Exceptionnel parce qu¡¯en raison de leur caract¨¨re sp¨¦cifique et des libert¨¦s dont elles jouissent depuis l¡¯¨¦poque m¨¦di¨¦vale, les universit¨¦s ont ¨¦t¨¦ relativement ¨¦pargn¨¦es par la r¨¦pression de masse durant la Seconde Guerre mondiale : cette rafle particuli¨¨re tourn¨¦e contre la population universitaire n¡¯eut donc que deux ¨¦quivalents en Europe, ¨¤ Prague et ¨¤ Oslo, en novembre 1943 ¨¦galement. Mais elle a aussi un caract¨¨re exemplaire, d¡¯abord parce qu¡¯elle symbolise la r¨¦sistance de la jeunesse et du monde intellectuel ¨¤ la barbarie nazie, ensuite parce qu¡¯elle a jou¨¦ un r?le central dans la structuration de la R¨¦sistance ¨¤ Clermont-Ferrand et en Auvergne. C¡¯est pourquoi elle constitue un lieu de m¨¦moire, toujours honor¨¦, souvent exalt¨¦, parfois n¨¦glig¨¦, au gr¨¦ des relations fluctuantes que la m¨¦moire collective entretient avec les ann¨¦es sombres.
Mathias Bernard est professeur d'histoire contemporaine et pr¨¦sident de l'universit¨¦ Clermont-Auvergne. Sp¨¦cialiste de l'histoire politique de la France au XXe si¨¨cle, il a r¨¦cemment publi¨¦ Val¨¦ry Giscard d'Estaing. Les ambitions d¨¦?ues (Dunod, 2020).