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La d¨¦formabilit¨¦ du proton
Publi¨¦ le 4 janvier 2021 – Mis ¨¤ jour le 4 janvier 2021
Un texte de la Minute Recherche par H¨¦l¨¨ne Fonvieille (LPC, unit¨¦ mixte de recherche CNRS / Universit¨¦ Clermont Auvergne).
Le proton est le noyau de l¡¯atome le plus simple, celui de l¡¯hydrog¨¨ne. Pour autant, le proton n¡¯est pas une particule ¨¦l¨¦mentaire, il poss¨¨de une structure interne. Cette structure peut-elle ¨ºtre d¨¦form¨¦e par une action ext¨¦rieure ? Certaines exp¨¦riences permettent d'apporter des ¨¦l¨¦ments de r¨¦ponse.
Les collisions entre particules sont l'outil du physicien pour percer les secrets du monde subatomique. On s'int¨¦resse ici au cas d'un proton, sur lequel on envoie une autre particule, plus
ou moins violemment. Lorsque l'on frappe le proton avec beaucoup d'¨¦nergie, il se casse en mille morceaux. C'est le cas des collisions au LHC (le Large Hadron Collider du CERN).
Lorsque l'on frappe un proton avec beaucoup moins d'¨¦nergie, il peut par exemple passer dans un ¨¦tat excit¨¦ pendant quelques 10-23s, puis il redevient lui-m¨ºme en ¨¦mettant le surplus d'¨¦nergie sous forme d'une particule l¨¦g¨¨re, que l'on appelle un m¨¦son ¦Ð .
Mais que se passe-t-il lorsque l'on frappe un proton avec encore moins d'¨¦nergie, "tout doucement" ? On peut utiliser comme projectile un photon, qui rebondit sur la particule en lui c¨¦dant juste un peu de son ¨¦nergie: c'est la ? diffusion Compton ?. Le proton passe alors pendant un tr¨¨s court instant par un ¨¦tat sp¨¦cial o¨´ sa structure est d¨¦form¨¦e : elle se ''polarise'' dans le champ ¨¦lectromagn¨¦tique induit par le photon. Ce ph¨¦nom¨¨ne, caract¨¦ris¨¦ par un ensemble de ? polarisabilit¨¦s ?, se retrouve aussi ¨¤ d¡¯autres ¨¦chelles, que ce soit celle des atomes, des mol¨¦cules ou de certains mat¨¦riaux macroscopiques (pour lesquels on parle de "susceptibilit¨¦").
On mesure les polarisabilit¨¦s du proton depuis cinquante ans, de plus en plus pr¨¦cis¨¦ment. Elles sont tr¨¨s petites, car le proton est tr¨¨s peu d¨¦formable. Depuis une vingtaine d'ann¨¦es, le formalisme permet d'aller plus loin et d'¨¦tudier leur r¨¦partition spatiale: est-ce plut?t un ph¨¦nom¨¨ne "de coeur" ou "de p¨¦riph¨¦rie" ?
Pour le savoir, il suffit de remplacer le photon-projectile par un photon dit ''virtuel'', que l'on produit ¨¤ partir d'un faisceau d'¨¦lectrons. De telles mesures sont encore rares, mais elles
montrent d¨¦j¨¤ nettement que le ph¨¦nom¨¨ne de polarisabilit¨¦ du proton s'¨¦tend sur des distances environ deux fois plus grandes que la distribution de charge ¨¦lectrique de la
particule. Cela semble corroborer l'image traditionnelle du proton comme ¨¦tant compos¨¦ d¡¯un ''coeur dur'' de quarks et de gluons, entour¨¦ d'un ''nuage'' de m¨¦sons ¦Ð virtuels ¨¤ plus
grand rayon. Cette derni¨¨re composante (pion cloud en anglais), bien qu'invoqu¨¦e constamment dans notre domaine de physique, est aussi difficile ¨¤ cerner que le Chat du Cheshire.
Elle semble toutefois se manifester au grand jour dans les polarisabilit¨¦s du proton !
- https://www.youtube.com/watch?v=OhsFdM4Ddcw
- https://www.youtube.com/watch?v=RxZtGLkSyHw
- H.Fonvieille, Lecture ¨¤ SFB Physics School, Boppard, Allemagne (2017) https://indico.mitp.unimainz.de/event/89/contributions/2748/attachments/2188/2297/Fonvieille-Lecture-VCS.pdf
Les collisions entre particules sont l'outil du physicien pour percer les secrets du monde subatomique. On s'int¨¦resse ici au cas d'un proton, sur lequel on envoie une autre particule, plus
ou moins violemment. Lorsque l'on frappe le proton avec beaucoup d'¨¦nergie, il se casse en mille morceaux. C'est le cas des collisions au LHC (le Large Hadron Collider du CERN).
Lorsque l'on frappe un proton avec beaucoup moins d'¨¦nergie, il peut par exemple passer dans un ¨¦tat excit¨¦ pendant quelques 10-23s, puis il redevient lui-m¨ºme en ¨¦mettant le surplus d'¨¦nergie sous forme d'une particule l¨¦g¨¨re, que l'on appelle un m¨¦son ¦Ð .
Mais que se passe-t-il lorsque l'on frappe un proton avec encore moins d'¨¦nergie, "tout doucement" ? On peut utiliser comme projectile un photon, qui rebondit sur la particule en lui c¨¦dant juste un peu de son ¨¦nergie: c'est la ? diffusion Compton ?. Le proton passe alors pendant un tr¨¨s court instant par un ¨¦tat sp¨¦cial o¨´ sa structure est d¨¦form¨¦e : elle se ''polarise'' dans le champ ¨¦lectromagn¨¦tique induit par le photon. Ce ph¨¦nom¨¨ne, caract¨¦ris¨¦ par un ensemble de ? polarisabilit¨¦s ?, se retrouve aussi ¨¤ d¡¯autres ¨¦chelles, que ce soit celle des atomes, des mol¨¦cules ou de certains mat¨¦riaux macroscopiques (pour lesquels on parle de "susceptibilit¨¦").
On mesure les polarisabilit¨¦s du proton depuis cinquante ans, de plus en plus pr¨¦cis¨¦ment. Elles sont tr¨¨s petites, car le proton est tr¨¨s peu d¨¦formable. Depuis une vingtaine d'ann¨¦es, le formalisme permet d'aller plus loin et d'¨¦tudier leur r¨¦partition spatiale: est-ce plut?t un ph¨¦nom¨¨ne "de coeur" ou "de p¨¦riph¨¦rie" ?
Pour le savoir, il suffit de remplacer le photon-projectile par un photon dit ''virtuel'', que l'on produit ¨¤ partir d'un faisceau d'¨¦lectrons. De telles mesures sont encore rares, mais elles
montrent d¨¦j¨¤ nettement que le ph¨¦nom¨¨ne de polarisabilit¨¦ du proton s'¨¦tend sur des distances environ deux fois plus grandes que la distribution de charge ¨¦lectrique de la
particule. Cela semble corroborer l'image traditionnelle du proton comme ¨¦tant compos¨¦ d¡¯un ''coeur dur'' de quarks et de gluons, entour¨¦ d'un ''nuage'' de m¨¦sons ¦Ð virtuels ¨¤ plus
grand rayon. Cette derni¨¨re composante (pion cloud en anglais), bien qu'invoqu¨¦e constamment dans notre domaine de physique, est aussi difficile ¨¤ cerner que le Chat du Cheshire.
Elle semble toutefois se manifester au grand jour dans les polarisabilit¨¦s du proton !
Sch¨¦ma de la polarisabilit¨¦ ¨¦lectrique d'un atome. Au repos, le centre des charges "+" (le noyau atomique, en bleu) et le centre des charges "-" (le cort¨¨ge ¨¦lectronique, en rouge) co?ncident. En pr¨¦sence d'un champ ¨¦lectrique E, les deux centres de gravit¨¦ s'¨¦cartent l'un de l'autre, cr¨¦ant ce que l'on appelle un dip?le, caract¨¦ris¨¦ par une polarisabilit¨¦ ¨¦lectrique.
Figure tir¨¦e de https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Dielectric_polarization_fr.svg . Pour le proton, le m¨ºme type de ph¨¦nom¨¨ne se produit, au niveau de ses composants internes.
Pour en savoir plus
- 3 Vid¨¦os en anglais sur la polarisabilit¨¦ ¨¦lectrique des mol¨¦cules :
- https://www.youtube.com/watch?v=OhsFdM4Ddcw
- https://www.youtube.com/watch?v=RxZtGLkSyHw
- 2 Expos¨¦s scientifiques :
- H.Fonvieille, Lecture ¨¤ SFB Physics School, Boppard, Allemagne (2017) https://indico.mitp.unimainz.de/event/89/contributions/2748/attachments/2188/2297/Fonvieille-Lecture-VCS.pdf
- 1 vid¨¦o en francais sur la structure du proton :
R¨¦f¨¦rence
J.Bericic et al., "New insight in the $Q^2$ dependence of proton generalized polarizabilities", Phys.Rev.Lett. 123 (2019) no.19, 192302; e-Print: arXiv:1907.09954