Lors de la diff¨¦renciation cellulaire, les changements d'identit¨¦ sont finement r¨¦gul¨¦s par des cascades d'induction de g¨¨nes, en g¨¦n¨¦ral gr?ce ¨¤ des changements en amont, internes (par exemple activation s¨¦quentielle de facteurs de transcription) ou externes (¨¦changes mol¨¦culaires et/ou m¨¦caniques avec les cellules voisines) ¨¤ la cellule. Ce sont ces changements en amont qui d¨¦terminent la voie de diff¨¦renciation. N¨¦anmoins dans certains cas le hasard peut d¨¦cider de la future identit¨¦ de la cellule.
Quelques jours apr¨¨s la f¨¦condation (3 jours chez la souris et 6 chez l'humain), la premi¨¨re diff¨¦renciation cellulaire de l'embryon, s¨¦parant les futures cellules du placenta, se fait en fonction de la position interne ou externe de la cellule, alors que la deuxi¨¨me diff¨¦renciation en cellules de l'¨¦piblaste (qui produit toutes les cellules du futur individu) d¨¦pend d'un m¨¦canisme al¨¦atoire. Pour devenir de l'¨¦piblaste, une cellule a besoin de plusieurs facteurs de transcription sp¨¦cifiques qui coop¨¨rent pour enclencher la diff¨¦renciation. Or, dans les cellules prog¨¦nitrices avant la diff¨¦renciation, ces facteurs de transcription ont des niveaux d'expression variables d'une cellule ¨¤ l'autre de mani¨¨re non coordonn¨¦e. Le hasard va faire que dans quelques cellules parmi environ 25, ces facteurs vont se retrouver ensemble ¨¤ des niveaux suffisants pouvant d¨¦clencher ainsi la diff¨¦renciation. Seules ces cellules vont pouvoir se transformer en ¨¦piblaste. Ainsi, c'est la co-expression al¨¦atoire de ces facteurs qui engagerait la cellule dans la diff¨¦renciation.
Les scientifiques ont identifi¨¦ un de ces facteurs de diff¨¦renciation en ¨¦piblaste, NANOG, et montr¨¦ que sans ce facteur il n'y a pas de diff¨¦renciation, les cellules restent bloqu¨¦es au stade de prog¨¦nitrice, le d¨¦veloppement de l'embryon s'arr¨ºte alors. N¨¦anmoins NANOG seul ne semble pas ¨ºtre capable d'induire la diff¨¦renciation, d¨¦montrant que seule la coop¨¦ration avec d'autres facteurs, encore inconnus, permet cette diff¨¦renciation.
Ce m¨¦canisme de d¨¦cision al¨¦atoire a ¨¦t¨¦ essentiellement ¨¦tudi¨¦ chez les bact¨¦ries ou chez la drosophile mais reste peu explor¨¦ chez les mammif¨¨res bien qu'impliqu¨¦ lors de l'h¨¦matopo?¨¨se.
Cette d¨¦couverte est intimement li¨¦e ¨¤ la recherche sur les cellules souches embryonnaires ES (prix Nobel 2007 pour Evans, Capecchi et Smithies) et les cellules pluripotentes induites iPS (prix Nobel 2012 pour Yamanaka) car ce sont sont les ¨¦quivalents in vitro des cellules de l'¨¦piblaste. Les cellules ES et iPS peuvent potentiellement produire n'importe quelle cellule d'un individu et sont donc des acteurs majeurs pour la th¨¦rapie cellulaire. Ainsi comprendre comment ces cellules de l'¨¦piblaste sont produites apporte des avanc¨¦es sur la connaissance et l'utilisation des cellules souches ES et iPS.
? Nicolas All¨¨gre & Claire Chazaud
Figure : A trois jours de d¨¦veloppement chez la souris (ou 6 chez l'humain), les cellules prog¨¦nitrices ont une composition al¨¦atoire de NANOG (N) et de diff¨¦rents facteurs (F1, F2...) . Seules les cellules ayant la bonne combinaison de facteurs (N, F1 et F2; entour¨¦es en vert) se diff¨¦rencieront au stade suivant en ¨¦piblaste. Panneau de droite: immunomarquage d'un embryon de souris ¨¤ trois jours de d¨¦veloppement avec les cellules de l'¨¦piblaste (rouge). Barre d'¨¦chelle: 10 microns.